Le dîner familial pour ne pas finir drogué
America, land
of the free, home of the brave. Capitale mondiale du capitalisme, du consumérisme, de la névrose. Parfois
avec raison, et parfois, on se demande si ici, le bon sens a encore son sens.
Rien de tel qu’un petit coup d’angoisse pour se crisper les synapses.
L’épidémie de grippe porcine qui menace, la crise économique qui n’en finit pas
de faire ses ravages, le terrorisme qui pointe de nouveau le bout de son nez…
Ça y est ? Vous êtes bien flippés ? Ce week-end, le New York Times est venu rajouter sa couche d'anxiété. De
quoi plonger des millions de familles dans les flots tumultueux de
l'inquiétude. Une étude rendue publique récemment annonçait une claire
corrélation entre la consommation de drogue chez les jeunes et l’absence de
dîner familial. L’étude, nous révèle le New York Times, assure que la prise de dîner en famille
a un effet bénéfique sur la nutrition, les capacités verbales et mentales,
ainsi que sur le stress. Et que les ados qui prennent leur dîner en famille
moins de 5 fois par semaine ont plus de chances de consommer des substances
illicites. Le papier donnait également en exemple des mères indignes malgré
elles, qui courent tels des poulets sans tête, entre cours de foot pour le
petit, compets de hockey pour l’ado et matchs de softball pour l'aîné. Et le
dîner familial dans tout ça ? Passé par la case des pertes et profits.
Dans un pays qui
a fait du plat surgelé un mode de vie, on imagine bien la terreur des lecteurs
de l’étude en question. Aussi anxiogène que lorsque l’on découvrait que Mozart
rendait les bébés intelligents et que les enfants dont les mères travaillent
courent un risque plus élevé d’être obèses, idiots, tueurs en série et que
sais-je encore.
Mais comment
définir le dîner. Le journaliste est très sérieusement allé demander à des
universitaires et des chercheurs d’éclairer sa lanterne. Est-ce que le dîner
devant la télé compte ? Le surgelé a-t-il autant de valeur que le petit
plat mitonné. Et le déjeuner ? Il vaut quoi le déjeuner ? Que l’American
Way of Life se rassure.
Regarder la télé en mangeant son bol de Campbell Soup réchauffé au micro-ondes
n’a pas d’incidence sur l’usage de drogues (sérieusement il y a des chercheurs
qui ont étudié ce postulat).
Et à la fin de
l’article, on ne peut que se dire qu’on a de la chance d’être francais. Des
générations à bouffer en famille, simplement parce que c’est meilleur à la
maison, un coup de pinard pour réduire son cholestérol, un repas entre potes,
préparé en 20 minutes. Sublime, forcément sublime… On se prosterne sur l’autel
de Françoise Bernard et son légendaire Recettes faciles. Allez, emballez, c’est
pesé. Notre anxiété dissipée d’un coup de camembert. Comme le disait Mireille
Giuliano aux Américaines, French Women Don’t Get Fat. Et de quelle autre injustice sommes-nous
les bénéficiaires ? Ah, oui, nous sommes des séductrices nées, des
concentrés d’élégance et de raffinement, des déesses domestiques. Ahhh, ça fait
du bien de se regarder au travers des yeux de nos cousins d’Amérique…